Joseph II: Catholique anticlérical et réformateur impatient. 1741-1790

HASQUIN Hervé
Joseph II: Catholique anticlérical et réformateur impatient. 1741-1790
Broché, in-8, 336 pp., illustrations, cartes, notes bibliographiques, bibliographie, index des personnes, index des lieux.


La Libre Belgique, Publié le 23-10-07 à 00h00

entretien avec l'auteur

En créant naguère à l'ULB, son centre d'études sur le XVIIIe siècle, Hervé Hasquin a découvert un empereur Joseph II bien différent des caricatures qu'on en fait encore. Il a sorti lundi un livre passionnant qui remet les pendules à l'heure. Entretien.

Qu'est ce qui vous a amené à revisiter le règne de Joseph II ?

La personnalité de l'empereur a souvent été écornée y compris chez nous. Pendant plus d'un siècle, on a véhiculé une image fausse en en faisant tantôt un disciple de Satan, le prisonnier de la franc-maçonnerie et un athée irrévérencieux. C'est le moment de le resituer dans l'histoire de notre continent. Nous le connaissions comme le souverain des Pays-Bas autrichiens alors qu'il a régné sur 25 millions d'habitants répartis sur 15 pays de l'Europe actuelle. Un territoire où il y avait 16 langues et 8 religions. Et qui comprenait Bruxelles et Luxembourg mais aussi Vienne, Budapest, Prague, Bratislava mais aussi Milan, Triest, Lviv... Ce n'est pas une biographie à proprement parler mais une étude qui le resitue dans le contexte de son temps...

... Et qui corrige de fameux clichés, notamment sur sa foi...

Joseph II était un catholique rigoureux, austère qui a subi l'influence du jansénisme. Un catholique aussi qui a voulu retourner à une certaine Eglise primitive et qui a pu subir l'influence de grands théologiens de Louvain. En outre, il a eu vraiment deux maîtres à penser : Montesquieu et Muratori, un abbé italien, historien et archéologue qui allait développer la doctrine de la félicité publique et la notion du bonheur du genre humain qui allaient largement se diffuser sous la Révolution française.

En même temps, c'était un souverain absolu ?

Oui, il avait le culte d'un Etat fort. Ses préoccupations furent d'accroître ses populations et de renforcer ses armées mais en même temps, il était ouvert à l'esprit du temps. Parce que confronté lui-même à des Etats extrêmement divers, il a voulu rendre son empire plus rationnel, plus efficace. C'était un philanthrope aux visées toujours utilitaires.

Il se heurta à sa mère, l'impératrice Marie-Thérèse...

Il souffrait d'être dans l'ombre de sa mère aux visées plus traditionnelles. Leurs rapports furent tendus. Mais Joseph II imposa la tolérance religieuse et désormais il y eut une égalité juridique pour tous ce qui permit d'émanciper les Juifs. Il y avait désormais une réelle séparation entre la foi et le statut des citoyens. Cela lui valut, par exemple, l'inimitié des rabbins qui ne pouvaient plus contrôler leurs fidèles !

Mais on le présente aussi comme un empereur anticlérical !

Parce qu'il a fermé quelque 800 monastères et couvents ? Mais Louis XVI, Naples et Venise en firent autant. Sans oublier le Pape qui supprima la Compagnie de Jésus... L'anticléricalisme de Joseph II fut avant tout économique; il n'admettait pas que 30 pc des terres soient mal cultivées ou exploitées. En outre, avant Napoléon, il eut l'idée de financer le traitement des cultes. On lui dut aussi des écoles mixtes sur le plan confessionnel. Alors que l'Eglise se plaignait de lui, il amena le Pape à Vienne. Une sorte de Canossa à rebours.

Un empereur qui fut révolutionnaire avant l'heure ?

Oui, c'est ce qui devait le perdre. Il accumula les rancoeurs auprès de la noblesse et des possédants en supprimant le servage et la corvée. Il se mit aussi à dos les classes dominantes en rationalisant la justice en supprimant la justice seigneuriale et les juridictions spéciales. Il aurait peut-être pu aller au bout de ses réformes s'il avait accepté de tirer les leçons de la révolution américaine. On ne pouvait plus gouverner un Etat en faisant abstraction de ses habitants. Il crut trop en son étoile de despote éclairé.

La vie privée est liée à la politique... Cela a-t-il joué aussi pour Joseph II ?

Oui, à 25 ans, il avait déjà connu un double veuvage. Il décida de se vouer alors totalement à sa patrie.

Le règne de Joseph II ne manque pas d'actualité...

De la répétibilité en justice à la tolérance religieuse en passant par la reconnaissance linguistique des minorités, il y a des accents très contemporains pour nous, Belges.
HASQUIN Hervé@ wikipedia
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