grondverdeling in Egypte

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grondverdeling in Egypte
Ainsi, à la fin du XIXe siècle (1896), les 2,1 millions d'hectares de terres enregistrées étaient répartis de manière très inégale entre 914 000 propriétés, parmi lesquelles on comptait:

12 000 grandes propriétés de plus de 50 feddans5 (21 ha), soit 1,3 pour cent du total des propriétés, qui détenaient 942 000 ha, soit 44 pour cent du total des terres cultivables;

141 000 moyennes propriétés de 5 à 50 feddans (2,1 à 21 ha), soit 15,4 pour cent du total des propriétés, qui détenaient 738 000 ha, soit 34 pour cent du total des terres;

761 000 petites propriétés de moins de 5 feddans (moins de 2,1 ha), soit 83,3 pour cent du total des propriétés, qui détenaient 467 000 ha, soit 22 pour cent du total des terres.

Mais ces catégories de propriété recoupent mal, en fait, les catégories d'exploitations, car une partie des moyennes et des grandes propriétés étaient, déjà à cette époque, louées à des métayers ou à des fermiers.

Dans ces conditions, à la fin du XIXe siècle, on trouvait en Égypte des grands propriétaires exploitant leurs terres en faire-valoir direct avec des salariés (régisseurs, chefs de culture, salariés permanents et journaliers), et une multitude de très petits exploitants, très pauvres car disposant de trop peu de terres pour employer pleinement leur main-d'oeuvre familiale et subvenir à leurs besoins. Parmi eux, il y avait des fermiers et aussi des métayers au cinquième à propos desquels J. Barois a écrit: «Le propriétaire prend à sa charge l'impôt, les frais d'irrigation, les semences, le bétail et le matériel agricole (c'est-à-dire le capital fixe et le capital circulant de l'exploitation, travail non compris). Pour son travail, le fellah reçoit le cinquième de la récolte d'été (coton et légumes), le quart de la récolte de maïs (d'automne); il n'a droit à rien sur les récoltes d'hiver; un demi-hectare de terre est aussi alloué à chaque père de famille pour cultiver du trèfle6». Il y avait également beaucoup d'ouvriers agricoles, le plus souvent durement exploités et extrêmement misérables.

Mais on trouvait aussi des paysans «patrons» employant tout à la fois de la main-d'œuvre familiale et des salariés, ainsi que des paysans moyens employant pleinement leur main-d'œuvre familiale et possédant la totalité ou la plus grande partie de leurs terres. C'est pourquoi la question agraire en Égypte à la fin du XIXe siècle ne saurait être réduite à une opposition entre quelques grands propriétaires capables d'investir et une multitude d'exploitants minifundistes condamnés à vendre leur force de travail et à rester très pauvres, à l'instar de la situation lati-minifundiste qui prévalait en Amérique latine et dans les régions périphériques du sud et de l'est de l'Europe industrialisée.

Il n'en reste pas moins que les inégalités d'accès à la terre et à l'eau ont conduit à des conflits ouverts dans les campagnes à la fin du XIXe siècle. Ces conflits ont même pris un tour violent au début du XXe siècle, quand l'éviction des petits exploitants incapables de rembourser leurs dettes a pris une ampleur sans précédent du fait des bas prix agricoles et des dégâts causés par le ver du coton, et les conflits ont alors souvent dégénéré en batailles rangées entre paysans d'un côté, forces de l'ordre, police et armée anglaise de l'autre7.

Conscient des risques sociaux qu'impliquait le processus d'endettement et d'exclusion de la petite paysannerie, conscient aussi que l'élimination des petites propriétés au profit des grandes n'allait pas dans le sens de la maximisation de la production de coton, le gouvernement, dominé par les Britanniques, adopta en 1905 une loi interdisant l'expropriation pour dettes des paysans possédant moins de 2,1 ha (loi Kitchener, dite loi des cinq feddans)8.

Malgré cette loi, le processus de minifundisation et d'exclusion a continué dans la première moitié du XXe siècle, et il a même pris des proportions considérables. Ainsi, le nombre de familles paysannes sans terre, qui était déjà de 697 000 en 1929 soit 37 pour cent des familles rurales, est passé à 1 107 000 soit 53 pour cent en 1939, et à 1 469 000 soit 60 pour cent des familles rurales en 19509. Ainsi, encore au début de 1952, la répartition de la propriété des terres cultivables était particulièrement inégale: 0,4 pour cent des propriétaires fonciers possédaient 34 pour cent des terres sous forme de domaines de plus de 50 feddans, et 2 000 de ces propriétaires, soit 0,1 pour cent de l'ensemble des propriétaires fonciers, détenaient 20 pour cent des terres, avec des domaines de plus de 200 feddans; à l'autre extrême, 72 pour cent des propriétaires fonciers possédaient des lopins de moins de 1 feddan, qui ne représentaient que 13 pour cent de la terre cultivable10. Qui plus est, le montant du loyer de la terre s'établissait en moyenne à 75 pour cent de la valeur ajoutée nette, un taux exorbitant à l'avantage des propriétaires11 et les contrats de location étaient précaires car verbaux et de courte durée (de quelques mois à un an).

En conséquence, les conflits et les actes de violence se multiplièrent dans les campagnes au cours des années qui précédèrent la prise de pouvoir par les Officiers libres conduits par Nasser en 195212.

http://www.fao.org/DOCREP/003/X8050T/x8050t08.htm (20040905)
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