1794: kathedraal Liège: Defrance vraagt commissie voor afbraak kathedraal Saint-Lambert (Liège)

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1794: kathedraal Liège: Defrance vraagt commissie voor afbraak kathedraal Saint-Lambert (Liège)
Pour comprendre le sens d’un événement rare comme la démolition d’une cathédrale, en l’occurrence celle de Saint-Lambert de Liège, il faut se reporter à un contexte historique bien particulier qui est celui de la Révolution liégeoise de 1789 et de sa rencontre inévitable avec la Révolution française et son expansion. Nous renvoyons le lecteur à nos études parues sur le sujet, qui traitent des circonstances historiques de la démolition de la cathédrale (Raxhon, 1989 et 1996).



Disons d’emblée que le sort de la cathédrale Saint-Lambert a particulièrement attiré l’attention des historiens et des littérateurs liégeois, en constituant en somme l’une de ces "cellules molles" où se loge l’histoire transmise. La force d’attraction de ce pôle ou lieu de mémoire, selon l’expression chère à Pierre Nora (Nora, 1984), plus que pour tout autre lieu de mémoire de la Révolution liégeoise — et nous tenterons de voir pourquoi —, trouve une première explication dans l’analyse des traditions historiographiques qui lui sont attachées. Vu sous cet angle, ce ne sont plus les historiens qui révèlent l’histoire à la cité, mais c’est l’histoire qui, mise sous une certaine lumière par les historiens, révèle ces derniers et la cité dont ils font partie.







Caractère exceptionnel du lieu de mémoire



Mais au-delà des strates historiographiques à examiner, la problématique de la démolition de la cathédrale Saint-Lambert nous oblige à réfléchir dans plusieurs directions, comme la crise d’identité liégeoise, la colère catholique jamais apaisée contre la Révolution, et plus largement le thème de la ruine, porteuse de sens et d’histoire, celui de la reconquête sur la ruine, avec notamment l’impact du style néogothique à Liège, qui méritera plus tard de retenir à ce titre notre attention. En outre, le destin tragique du monument constitue l’une des premières expériences littéraires wallonnes en matière d’approche d’une définition de ce qui pourrait être justement une expression historique wallonne.



Enfin, avec le souvenir de la cathédrale Saint-Lambert, c’est l’absence du monument qui crée la référence, et le vide, le symbole. Bien plus, c’est même l’absence de support qui, non seulement engendre, mais nourrit et renforce l’imaginaire de la Révolution, et le développe au fil des générations postérieures à l’événement. C’est le contrepoint spectaculaire — si l’on peut dire — du lieu de mémoire traditionnel, et le travail qu’il opère sur la mémoire est d’autant plus remarquable. En effet, dans la cité mosane, la Violette (hôtel de Ville), le Perron (symbole des libertés communales) et le palais des princes-évêques n’étaient séparés que par un monument qui les unissait tous, la cathédrale Saint-Lambert, carrefour aéré et grandiose des pouvoirs et des souvenirs, ceux d’une nation qui se voulait libre et indépendante. De fait, le thème enrichissant, nous semble-t-il, est alors celui de la désarticulation architecturale d’un centre urbain comme volet visible et objectif de la perte d’un statut, celui d’une capitale d’État indépendant. La désarticulation spatiale est ici liée à un processus d’amoindrissement politique et impose une incontestable pesanteur à la ville qui le subit, et que l’on pourrait qualifier d’irrécupérable.







Un bref rappel historique s’impose.



À la séance du 19 février 1793 de l’Administration centrale provisoire du ci-devant pays de Liège, un membre fait la motion de détruire la cathédrale. On demande la discussion. On décrète unanimement la démolition 1, mais on arrête que l’on attendra la formation des autres comités, pour en former un de trois membres qui s’occupera de la démolition de cette Bastille 2. Voilà la mention décisive, le choix irrémédiable, pris sur le vif, d’une représentation nationale. L’état actuel des recherches ne permet pas d’identifier à coup sûr le membre en question. Seuls quelques indices sont à notre disposition, et les soupçons pèsent sur Lambert Bassenge, frère de Jean-Nicolas Bassenge, à partir du propre aveu de celui-ci (Bassenge, An II, p. 15).







À la séance du 20 février 1793, le matin, un membre dont l’identité nous est inconnue tentera vainement de faire rapporter le décret de la veille, sous prétexte qu’une proposition ne peut être décrétée dans la même séance, et parce que cet édifice peut servir à un établissement d’utilité publique 3. Rien n’y fit ; les dés étaient jetés.



Le 28 février 1793, un Comité des travaux publics chargé de la démolition était officiellement créé, composé de Lambert Bassenge de Liège, de l’abbé Sommal de Somme-Leuze (dans l’Entre Sambre-et-Meuse) et de Jean-Mathieu-Antoine Joniaux de Waremme. Néanmoins, les opérations furent brusquement interrompues par l’arrivée des Autrichiens à Liège au début du mois de mars 1793, après les défaites d’Aldenhoven et de Neerwinden.



Il faut attendre le 28 juillet 1794, avec le retour des Français à Liège qui boutent les Autrichiens hors du pays, pour que la question de la démolition de Saint-Lambert soit à l’ordre du jour. On peut distinguer trois étapes dans cette entreprise. Dans un premier temps, la cathédrale sera dépouillée avec méthode au profit de la République 4, ensuite une vente aux enchères achèvera de vider de ses biens meubles l’antique monument, puis la démolition de l’immeuble sera accomplie, lentement, s’étalant sur une longue période, car la cathédrale est une mine à ciel ouvert et on l’exploite comme telle, en fonction des circonstances et des besoins 5 ; mais elle est aussi un monstre imposant qui lasse les hommes et use les marteaux. Plutôt que d’une démolition, il faudrait même parler d’un démontage de la cathédrale.



Dès le 3 août 1794 (16 thermidor an II), le commissaire-ordonnateur Vaillant invite la municipalité de Liège à faire enlever dans le plus court délai tout le plomb qui est sur l’église Saint-Lambert pour faire des balles pour exterminer les satellites des tyrans 6. Tous les cuivres de la cathédrale connaîtront un sort identique. Enfin, des pièces de bois furent arrachées pour servir au siège de Maastricht, à la construction de ponts sur la Meuse, à l’aménagement de locaux administratifs, et même à l’alimentation des fours de la boulangerie française. Dès décembre 1792, les biens meubles les plus précieux avaient retenu l’attention des administrateurs ; puis l’argenterie et plusieurs objets du culte furent entreposés au palais des princes-évêques. En outre, le 3 mars 1793, un trésor constitué par trois caisses d’objets en or et argent pesant 7.691 onces, des perles, des pierres fines, des étoffes, avait pris la route de Lille sous la conduite de l’administrateur Lambert-Joseph Waleff 7.



Toujours est-il que, le 14 septembre 1794, l’Administration centrale provisoire se réunit pour la première fois avec pour thème de discussion deux projets étroitement liés dans leur portée symbolique, le rattachement à la République française et la démolition du repaire des oppresseurs, du monument d’orgueil et d’hypocrisie.



Le 20 septembre 1794, l’Administration centrale provisoire, sous la présidence d’un abbé, Thomas-Joseph Jehin, invite la municipalité à prendre rapidement des mesures pour la démolition. À cet effet, le 24 septembre, l’ingénieur Carront fut désigné pour établir un plan du site de la cathédrale. Les préoccupations des autorités liégeoises se combinèrent avec les initiatives du Comité de salut public et de la Convention puisque le 28 septembre 1794, les commissaires français chargés de s’occuper des monuments, des arts et des sciences dans les pays conquis arrivèrent à Liège.



C’est ici qu’intervient ouvertement Léonard Defrance, le paria d’une historiographie liégeoise dont nous reparlerons plus loin. Le peintre qui sera maudit propose, le 1er novembre 1794 (11 brumaire an III), la création d’une commission choisie au sein de l’Administration centrale pour s’occuper d’un plan général sur la démolition entière de l’édifice.



À l’objectif de planification s’accorde la froideur des documents qui ponctuent l’histoire de l’émiettement de Saint-Lambert. Cette commission se composa de Léonard Defrance, qui en fut le président, de Félix-Joseph Cralle (taxateur) et du citoyen Devillers. Ce même 1er novembre, le citoyen Simonis, maître-fondeur, demandait qu’on l’autorise à descendre les cloches de Saint-Lambert. L’existence effective de la commission et ce dernier détail sont à l’origine du premier rapport fondamental signé Defrance, au début de novembre 1794 où il évoque ce monument de l’orgueil et de l’intérêt [qui] va, j’espère, avec tous ses appendices, rentrer dans le néant d’où il n’aurait jamais dû sortir [...]. Quelle immense extension d’idées, ce vaste monument des prêtres doit nous donner, si nous portons nos réflexions sur l’idée primitive de la religion : le fils d’un charpentier prêchant la pauvreté, l’humilité, le pardon des fautes, disant que son royaume n’est pas de ce monde [...]. Si les tyrans séculiers avec leurs satellites ont fait bâtir par la force, des bastilles pour nous tenir sous le joug, les prêtres plus adroits, ont fait construire des bastilles d’un autre genre pour enchaîner la raison : ces bastilles de l’Église, c’est là et par là qu’ils ont dominé impérieusement sur l’espèce humaine 8.



Fin novembre 1794, Defrance développe ses projets dans un texte plus étoffé qui est un état de la situation et la description du travail à accomplir (A.E.L., F.F.P., 493 [17]).On constate que 298.200 livres de plomb et 44.818 livres de cuivre et de bronze ont déjà été livrées aux Français. Par ailleurs, les commissaires de la République ont d’abord saisi les colonnes qui supportaient le jubé et l’entablement du maître-autel, les ornements précieux des chapelles, le tableau du grand autel, et trois autres tableaux provenant des chapelles. Enfin, il s’agit après cela de tirer le plus grand avantage tant des matériaux que du terrain précieux par la localité que présentera la place de cet édifice, bâti moins pour honorer l’Etre Suprême que pa
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